Décrit comme une “erreur de raisonnement”, un biais cognitif est un mécanisme de pensée rapide et intuitif, mais qui peut conduire, vous ou vos utilisateurs, à un jugement ou une prise de décision erronés.
Le biais cognitif peut en effet fausser la manière dont vous percevez et interprétez les informations. Il est généralement créé par des facteurs internes, comme un jugement préconçu ou des émotions ; ou par des causes externes, comme la fatigue ou le stress.
Les biais cognitifs ne sont pas conscients : il s’agit d’un processus de déviation de la pensée logique et rationnelle. Pionnier en neurosciences spécialiste en psychologie et économie, Daniel Kahneman a théorisé les biais cognitifs. Il a établi que 95% de nos décisions sont inconscientes et irrationnelles.
250 biais cognitifs ont été recensés en psychologie. Les catégories les plus répandues sont :
- les illusions : causées par une mauvaise analyse des informations,
- les biais d’attention : selon nos préoccupations ou centres d’intérêt du moment, le cerveau analysera la situation de façon différente,
- les défauts de mémoire : sous le coup d’états affectifs, les souvenirs sont modifiés,
- les déformations de jugement : qui affecte la manière de juger ou d’estimer la valeur d’une personne ou d’un élément,
- les biais de raisonnement : entraînant une préférence vers des hypothèses personnelles, plutôt que vers un raisonnement objectif,
- la personnalité : des biais peuvent apparaître en raison de la culture, du langage, de l’influence sociale, etc.
Biais cognitif et UX
Le biais cognitif peut avoir un impact sur votre entreprise. Il affecte ce que les utilisateurs pensent de votre marque, de votre site web, de votre produit et vos services. Il a donc un effet sur l’UX (expérience utilisateur), sur la capacité de conversion de votre interface et bien sûr sur votre chiffre d’affaires.
Mais ce n’est pas tout : le biais cognitif peut aussi affecter votre propre capacité à optimiser l’ergonomie de votre interface, ainsi que votre stratégie marketing. Les équipes marketing, les UX designers et les responsables de l’User Research ne sont pas à l’abri des biais cognitifs.
Il est donc essentiel d’être conscient de leur existence, afin de garantir une certaine objectivité dans votre démarche UX.
Quelques exemples de biais cognitifs
Le Peak-End effect
Ce biais conduit à évaluer une expérience sur deux moments uniques : le moment le plus intense et la fin. Ainsi, un moment extrêmement positif et une fin mémorable permettent d’offrir une expérience client parfaite.
L’effet de halo
C’est la tendance à attribuer, sans raison, des caractéristiques positives suite à une première impression positive (et vice versa). Ainsi, une rencontre avec une personne “séduisante” la fera paraître davantage compétente qu’une autre perçue comme non séduisante.
La perception sélective
Elle pousse un individu à interpréter sélectivement des informations, en se basant sur notre expérience personnelle, nos intérêts, notre situation sociale, etc. En UX, ce biais peut conduire à ne sélectionner que des utilisateurs correspondants à des critères pré-déterminés (empêchant d’obtenir une vue d’ensemble).
Le biais de cadrage
La formulation d’une question ou d’un problème aura une importance forte sur la réponse apportée. Le cerveau est en effet influencé par le cadre dans lequel l’information lui a été délivrée : à domicile ou dans vos locaux, vos User Tests seront perçus différemment.
Le biais de simple exposition
Nous avons tendance à développer des sentiments positifs face à un objet ou une personne auxquels nous sommes beaucoup exposés.
À l’opposé, l’effet de rareté fait qu’un individu va accorder plus de valeur à une chose rare.
Le biais de confirmation
Le biais de confirmation entraîne à s’intéresser uniquement aux éléments qui confirment nos croyances personnelles. Les données contradictoires sont ignorées.
Le biais d’ancrage
L’information initiale ou la première impression est utilisée pour prendre une décision, ou pour comparer avec d’autres informations. Les promotions, avec l’affichage d’un gros prix barré, est l’un des exemples les plus connus en marketing. Le prix barré fait office d’ancrage.
L’effet de leurre
Il permet de renforcer l’attrait de l’utilisateur pour une des deux offres présentées, en proposant une troisième offre (le leurre), dont le prix et les caractéristiques sont moins bonnes.
L’effet Einstellung
Cette posture mentale ne permet pas de se détacher d’une solution initiale, déjà connue. L’individu ne peut pas modifier son fonctionnement de pensée pour trouver une idée innovante.
Le biais d’aversion à la perte
Étant plus sensibles à la perte, qu’aux gains, nous avons tendance à choisir en favorisant notre confort actuel plutôt que de se mettre en position de prendre un risque qui pourrait payer.
Le biais de négativité
Ce phénomène nous conduit à être plus affecté par les points négatifs que par ceux positifs. Les erreurs ou événements négatifs pèsent plus dans la balance.
Le biais d’autorité
Dans la prise de décision, le biais d’autorité entraîne à surévaluer l’opinion d’un expert (parents, scientifiques, spécialistes…).
Le biais de McNamara
Secrétaire US à la Défense entre 1961 et 1968, McNamara a mesuré le succès des USA durant la guerre du Viêt Nam uniquement sur le nombre d’ennemis tués. Ce biais consiste à prendre des décisions seulement sur des observations partielles, en ignorant les autres métriques à disposition.
L’effet Ikea
Il s’agit d’une tendance à accorder plus de valeur à une chose quand on l’a créé ou que l’on a participé à sa conception.
De nombreux autres biais cognitifs, notamment identifiés par Kahneman, peuvent être rencontrés en UX, comme le biais égocentrique, le biais de séquence, l’effet de groupe, le biais de conformité, etc.
Biais cognitif : comment les éviter ?
En UX Design ou en Recherche Utilisateur, les biais cognitifs affectent autant les utilisateurs que les UX Designers. La prise en compte est essentielle :
- pour mieux appréhender la façon dont les utilisateurs perçoivent, interprètent et réagissent aux interfaces,
- et pour éviter qu’un biais cognitif n’intervienne négativement dans la conception de l’interface, en raison de la manière dont l’UX Designer perçoit les utilisateurs ou analyse les données collectées.
Il n’est pas important de connaître la liste complète des biais cognitifs existants. Mais il est essentiel de savoir qu’un biais cognitif peut affecter votre jugement ou vos décisions ainsi que ceux de vos utilisateurs.
Ainsi, vous pouvez concevoir de meilleures expériences.
Pour éviter, ou réduire l’impact, de vos propres biais cognitifs, impliquez vos utilisateurs cibles tout au long de la conception de votre interface, produit ou service.
Utilisez les données objectives à votre disposition, mais faites toutefois attention au biais de McNamara : prenez en compte toutes les données, et non pas un ou deux critères allant dans le sens de votre idée initiale.
Les déclarations de vos utilisateurs peuvent être influencées par les biais cognitifs : autorité, peak-end, ancrage, halo… Ne vous en contentez pas et observez-les pendant les tests utilisateurs. Analysez également le contexte d’usage et n’orientez jamais leurs réponses.
S’entourer d’une équipe est aussi une bonne pratique : cela permet de confronter différents points de vue. Les membres d’une équipe n’auront pas tous les mêmes biais. Par ailleurs, cela permet d’aborder un problème sous un autre angle et de prendre du recul.
Tirez parti des biais cognitifs !
Il est possible de générer des effets positifs à partir de biais cognitifs et des neurosciences. Certaines marques en jouent et peuvent ainsi renforcer l’impact de leur stratégie de communication.
Vous pouvez rapidement tirer bénéfice des biais cognitifs de cette façon : mettez en avant les bénéfices d’un produit, pour influencer le comportement des utilisateurs.
Autre exemple : grâce à l’effet Ikea, vous pouvez renforcer l’attachement d’un utilisateur à un produit ou un service, s’il a contribué à le créer.
Voyez les biais cognitifs comme des alliés, pour mieux appréhender la psychologie de vos utilisateurs cibles :
- les biais cognitifs évitent la surcharge d’information chez vos utilisateurs. Leur cerveau mémorise d’abord les données en rapport avec une idée pré-établie.
- ils remplissent les vides pour éviter la confusion. Le cerveau a tendance à facilement estimer comme pertinents des éléments familiers.
- ils aident à mémoriser les informations les plus importantes. Cela permet de prioriser celles à retenir : on privilégie donc les généralités, car la mémoire est limitée.
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